Je venais tout juste de sortir d'un entrainement, une routine. En rentrant à l'appartement, ma sœur m'attendait avec un large sourire : "Va vite te préparer !", me dit-elle, excitée comme jamais. Je feins un instant d'ignorer l'évènement dont elle parlait. Et pourtant. Pourtant, ce qui m'attendait n'avait eu de cesse de me perturber dès la veille, dès qu'il prononça cette fameuse phrase : "Tu n'as qu'à venir chez moi demain". Je hochais la tête en guise de réponse. Et voilà que l'engrenage se mit en route. Je souhaitais y aller dans la plus simple des parures, néanmoins, cette dernière aurait crié bien fort : "Coucou, je viens de la Ville Basse". Ce que ne supporte pas ma sœur. Je me laissais donc faire. Dans le bain, elle frotta ma peau, comme pour en faire apparaitre une nouvelle au dessous. Elle me prit le visage violemment, râla trois secondes en y constatant une blessure sur la pommette. Les dires de Qin m'avait tellement perturbé toute la journée que je n'ai pu éviter un coup mal tombé. Pauvre de moi. Pour mon premier ... rendez-vous.

Et me voici sur le pallié. Lustré. Poli. Nettoyé. Vernis. Je me sens comme un chaton fraichement toiletteté par sa mère. Je n'ai jamais fais aussi propre qu'en ce jour, jamais aussi soigné non plus. Cela ne me ressemble presque pas, mais ai-je eu le choix ? Un pansement décore toutefois honteusement ma joue. Une bande aux motifs enfantins, résistante à l'eau. Le quartier est sympa, je trouve facilement la dite maison : la sonnette est décorée d'un petit rongeur. Je souris. Il est vrai qu'il m'avait avoué que toute sa famille portait le signe du rat. Quelle joyeuse harmonie cela devait il dégager. Je sonne. L'attente se fait courte, mais affreusement longue. Le temps semble s'être stoppé et j'ai un gros doute. Que fais-je ici ? Ai-je réellement ma place ? Les lèvres entrouvertes, un léger soupire s'en échappe. Je ne peux plus reculer, la porte s'ouvre. "Salut ~", lui répondais-je sur le même ton, accompagné d'un signe de tête. Et j'entre lorsqu'il me le permet. Il est très avenant, c'est très appréciable, il a le truc pour me mettre à l'aise. "Je veux bien oui, un soda ? Mais ...". Aussitôt, je remarque ses joues doucement rougies. Sa voix tremble aussi. Naturellement, d'instinct -ce qui ne me ressemble guère, j'apporte ma main à son visage, le touche franchement afin d'en vérifier la température. "T'es sûr que ça va ? J'peux passer un autre jour si tu veux ?". Ma sœur m'a toujours dit que ma naïveté sur le point sentimentale me perdrait un jour. Je suis aveugle à ce genre de signe, s'il en ait du moins ... Au contact de sa peau, subitement, j'ai comme un frisson. Mes yeux cherchent les siens, mais ne les trouvant pas, je m'attarde alors d'avantage sur sa bouche. Je la revois encore mimer, articuler des mots qui ont le don de me soulever la poitrine sauvagement. Et voilà que mes poils se hérissent à nouveau.
J'attends de lui qu'il me guide ... dans sa demeure je veux dire.

" Ha, hein ? Non, enfin oui ça va ! J'veux dire non ne repasse pas un autre jour, aujourd'hui c'est bien, enfin t'es là donc ... " Je me tais et prend une longue inspiration avant d'éclater de rire nerveusement. " Excuse moi si j'agis bizarrement, la vérité c'est que ... " Je le regarde, la vérité c'est qu'il me plait, qu'il me met dans tous mes états, que j'ai pas envie de tout foirer avec lui alors inexorablement, je foire tout. " Je stresse un peu ... Ca fait longtemps que je n'ai pas eu ce genre de rendez vous avec quelqu'un alors ... " Une excuse crédible mais qu'au fond de moi je sais fausse. Deux ans, deux mois, deux semaines, deux jours de célibat, n'y auraient rien changé, c'est lui, lui et personne d'autre qui me fait cet effet, peu importe à quand remonte ma dernière relation. Sans ajouter un mot de plus, je me dirige vers la cuisine pour pouvoir lui servir de quoi boire. Les deux verres de soda remplis, je le laisse en prendre un, buvant une gorgée du mien, réfléchissant à ce que je pourrais bien dire ou faire. Pas naturel, ce n'est évidemment pas naturel du tout, mais je mets tout ça sous le coup de la "première fois" J'espère qu'un peu plus tard, l'ambiance se détendra et qu'on redeviendra complices et proches comme on peut l'être lorsqu'on est au Tian Ri. " Tu veux que je te fasse visiter ? " Voilà qui me parait être une excellente idée, cela nous occupera bien un bon quart d'heure, le temps de faire le tour de la maison entièrement.

Gardant mon verre en main, je m'improvise agent immobilier, lui faisant faire le tour des lieux. La cuisine pour commencer, je ne m'y attarde pas, il faut dire c'est loin d'être mon domaine. " Ici c'est le salon, avec la chambre de mes parents là, et le bureau de mon père ici " Je lui montre juste les deux portes closes, je doute que ça l'intéresse vraiment de connaître en détail les pièces dans lesquelles mes parents dorment et travaillent. " Le jardin ... " J'ouvre à présent la grande baie vitrée qui donne sur un bout de verdure joliment décoré. Le soleil est déjà couché mais nous y voyons clair puisque le jardin est éclairé par de petites lanternes aux motifs chinois, une douce lumière rouge émanant d'elles. Lentement, je sors à l'extérieur, les pieds nus, inspirant une grande bouffée d'air frais pour me donner du courage. Ici l'air n'a rien à voir avec celui des étages inférieurs. Il n'y a rien, plus rien au dessus de nos têtes ... " Tu sais à propos de ce que je t'ai dit hier ... " Je suis dos à lui, ainsi, ça me parait plus facile de lui parler. " Tu ne m'as pas dit ... ce que tu en pensais. " Intérieurement je suis bien conscient que s'il est venu jusqu'ici c'est que l'affection est un minimum partagée mais en tant que rat j'ai besoin de l'entendre de sa bouche, qu'il me rassure en me disant que mes sentiments sont réciproques. " La lune est tellement magnifique ce soir, tu trouves pas ? "